Page:Mérimée - Carmen.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce langage était trop étrange aux oreilles de madame de Piennes pour qu’elle le comprît d’abord. Elle se fit répéter la question.

— Oui, je voudrais bien faire un cierge à saint Roch ; mais je ne sais à qui donner l’argent.

Madame de Piennes avait une dévotion trop éclairée pour être initiée à ces superstitions populaires. Cependant elle les respectait, car il y a quelque chose de touchant dans toute forme d’adoration, quelque grossière qu’elle puisse être. Persuadée qu’il s’agissait d’un vœu ou de quelque chose de semblable, et trop charitable pour tirer du costume de la jeune femme au chapeau rose les conclusions que vous n’avez peut-être pas craint de former, elle lui montra le bedeau, qui s’approchait. L’inconnue la remercia et courut à cet homme, qui parut la comprendre à demi-mot. Pendant que madame de Piennes reprenait son livre de messe et rajustait son voile, elle vit la dame au cierge tirer une petite bourse de sa poche, y prendre au milieu de beaucoup de menue monnaie une pièce de cinq francs solitaire, et la remettre au bedeau en lui faisant tout bas de longues recommandations qu’il écoutait en souriant.

Toutes les deux sortirent de l’église en même temps ;