Page:Mérimée - Carmen.djvu/181

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velle s’était présentée à son esprit. Les remords de sa complice le toucheront, avait-elle pensé. La fin chrétienne d’une femme qu’il a aimée (et malheureusement elle ne pouvait douter qu’elle ne fût proche) portera sans doute un coup décisif. C’est sur un tel espoir qu’elle s’était subitement déterminée à permettre que Max revît Arsène. Elle y gagnait encore d’ajourner l’exhortation qu’elle avait projetée ; car, je crois vous l’avoir déjà dit, malgré son vif désir de sauver un homme dont elle déplorait les égarements, l’idée d’engager avec lui une discussion si sérieuse l’effrayait involontairement.

Elle avait beaucoup compté sur la bonté de sa cause ; elle doutait encore du succès, et ne pas réussir c’était désespérer du salut de Max, c’était se condamner à changer de sentiment à son égard. Le diable, peut-être pour éviter qu’elle se mît en garde contre la vive affection qu’elle portait à un ami d’enfance, le diable avait pris soin de justifier cette affection par une espérance chrétienne. Toutes armes sont bonnes au tentateur, et telles pratiques lui sont familières ; voilà pourquoi le Portugais dit fort élégamment : De boas intençôes esta o inferno cheio : L’enfer est pavé de bonnes intentions. Vous dites en français qu’il est pavé de langues de