Page:Mérimée - Carmen.djvu/261

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paraît la comtesse, momie ambulante, qui se laisse tomber dans un grand fauteuil à la Voltaire. Hermann regardait par une fente. Il vit Lisabeta passer tout contre lui et il entendit son pas précipité dans le petit escalier tournant. Au fond du cœur, il sentit bien quelque chose comme un remords, mais cela passa. Son cœur redevint de pierre.

La comtesse se mit à se déshabiller devant un miroir. On lui ôta sa coiffure de roses et on sépara sa perruque poudrée de ses cheveux à elle, tout ras et tout blancs. Les épingles tombaient en pluie autour d’elle. Sa robe jaune, lamée d’argent, glissa jusqu’à ses pieds gonflés. Hermann assista malgré lui à tous les détails peu ragoûtants d’une toilette de nuit ; enfin la comtesse demeura en peignoir et en bonnet de nuit. En ce costume plus convenable à son âge, elle était un peu moins effroyable.

Comme la plupart des vieilles gens, la comtesse était tourmentée par des insomnies. Après s’être déshabillée, elle fit rouler son fauteuil dans l’embrasure d’une fenêtre et congédia ses femmes. On éteignit les bougies, et la chambre ne fut plus éclairée que par la lampe qui brûlait devant les saintes images. La comtesse, toute jaune, toute ratatinée, les lèvres pendantes,