Page:Mérimée - Carmen.djvu/267

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vous la nuit. Elle savait son nom, voilà tout. Elle en avait reçu quantité de lettres, mais jamais il ne lui avait adressé la parole ; elle ne connaissait pas le son de sa voix. Jusqu’à ce soir-là même, chose étrange, elle n’avait jamais entendu parler de lui. Ce soir-là, Tomski, croyant s’apercevoir que la jeune princesse Pauline***, auprès de laquelle il était fort assidu, coquetait, contre son habitude, avec un autre que lui, avait voulu s’en venger en faisant parade d’indifférence. Dans ce beau dessein, il avait invité Lisabeta pour une interminable mazurka. Il lui fit force plaisanteries sur sa partialité pour les officiers de l’arme du génie, et, tout en feignant d’en savoir beaucoup plus qu’il n’en disait, il arriva que quelques-unes de ses plaisanteries tombèrent si juste, que plus d’une fois Lisabeta put croire que son secret était découvert.

— Mais enfin, dit-elle en souriant, de qui tenez-vous tout cela ?

— D’un ami de l’officier que vous savez. D’un homme très-original.

— Et quel est cet homme si original ?

— Il s’appelle Hermann.

Elle ne répondit rien, mais elle sentit ses mains et ses pieds se glacer.