Page:Mérimée - Carmen.djvu/274

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bans armoriés sur l’épaule, un cierge à la main ; les parents en grand deuil, enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, personne ne pleurait ; les larmes eussent passé pour une affectation. La comtesse était si vieille, que sa mort ne pouvait surprendre personne, et l’on s’était accoutumé depuis longtemps à la regarder comme déjà hors de ce monde. Un prédicateur célèbre prononça l’oraison funèbre. Dans quelques phrases simples et touchantes, il peignit le départ final du juste, qui a passé de longues années dans les préparatifs attendrissants d’une fin chrétienne. « L’ange de la mort l’a enlevée, dit l’orateur, au milieu de l’allégresse de ses pieuses méditations et dans l’attente du fiancé de minuit. » Le service s’acheva dans le recueillement convenable. Alors les parents vinrent faire leurs derniers adieux à la défunte. Après eux, en longue procession, tous les invités à la cérémonie s’inclinèrent pour la dernière fois devant celle qui, depuis tant d’années, avait été un épouvantail pour leurs amusements. La maison de la comtesse s’avança la dernière. On remarquait une vieille gouvernante du même âge que la défunte, soutenue par deux femmes. Elle n’avait pas la force de s’agenouiller, mais des larmes coulèrent de ses yeux quand elle baisa la main de sa maîtresse.