Page:Mérimée - Carmen.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Quelqu’un que je ne connais pas… Sans plus de paroles, avez-vous, oui ou non, des motifs pour ne pas attendre les soldats ? Si vous en avez, ne perdez pas de temps, sinon bonsoir, et je vous demande pardon d’avoir interrompu votre sommeil.

— Ah ! votre guide ! votre guide ! Je m’en étais méfié d’abord… mais… son compte est bon !… Adieu, Monsieur. Dieu vous rende le service que je vous dois. Je ne suis pas tout à fait aussi mauvais que vous me croyez… oui ; il y a encore en moi quelque chose qui mérite la pitié d’un galant homme… Adieu, Monsieur… Je n’ai qu’un regret, c’est de ne pouvoir m’acquitter envers vous.

— Pour prix du service que je vous ai rendu, promettez-moi, don José, de ne soupçonner personne, de ne pas songer à la vengeance. Tenez, voilà des cigares pour votre route ; bon voyage ! Et je lui tendis la main.

Il me la serra sans répondre, prit son espingole et sa besace, et, après avoir dit quelques mots à la vieille dans un argot que je ne pus comprendre, il courut au hangar. Quelques instants après, je l’entendais galoper dans la campagne.

Pour moi, je me recouchai sur mon banc, mais je ne me rendormis point. Je me demandais si j’avais eu raison