Page:Mérimée - Carmen.djvu/303

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file, mais pour toi le temps de l’amour s’est encore plus vite écoulé. Maryoula m’aima un an.

Une fois, près des eaux de Kagoul, nous fîmes rencontre d’une horde étrangère. C’étaient des Bohémiens. Ils plantèrent leurs tentes près de nous, au pied de la montagne. Deux nuits nous campâmes ensemble. Ils partirent la troisième nuit : Maryoula partit avec eux… Je dormais tranquille. Le jour vint : je m’éveille. Elle n’est plus là. Je cherche, j’appelle ; la trace même avait disparu. La petite Zemfira pleurait ; moi, je pleurai aussi…

Depuis ce jour toutes les filles du monde ne furent rien pour moi. Jamais, parmi elles, mon regard ne chercha une compagne, et mes loisirs solitaires, je ne les partageai avec personne.

ALEKO.

Mais pourquoi ne pas courir aussitôt sur les traces de l’infâme ? Comment n’as-tu pas plongé ton couteau dans le sein du ravisseur et de ta fausse compagne ?

LE VIEILLARD.

Pourquoi ? La jeunesse n’est-elle pas plus volontaire que l’oiseau ? Quelle force arrêterait l’amour ? Le plaisir se donne à chacun, tour à tour. Ce qui a été ne sera plus.