Page:Mérimée - Carmen.djvu/362

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premier essai, Khlestakof emprunte à l’un deux cents roubles, à l’autre trois cents. Toutes ces scènes sont bien faites, et, malgré l’uniformité du motif, elles se varient heureusement par le contraste des caractères. Je prends la plus courte pour la traduire. Le recteur du collège, homme très-timide, entre en tremblant et se heurte contre le seuil. On entend une voix qui lui dit : — « Allons donc ! n’ayez pas peur.

« Le recteur. — Permettez-moi d’avoir l’honneur de vous offir l’hommage de mon respect. Je suis le recteur de l’académie, conseiller titulaire, Khlopof.

« Khlestakof. — Soyez le bienvenu. Asseyez-vous donc. Voulez-vous un cigare ?

« Le recteur (à part). Que faire ? mon Dieu ! Prendre ou refuser.

« Khlestakof. — Prenez, prenez. Ils ne sont pas mauvais. C’est vrai que ce n’est pas comme les cigares qu’on a à Pétersbourg. Là, voyez-vous, petit papa, j’en fumais à vingt-cinq roubles le cent. On s’en léchait les babines. Voilà du feu. Allumez-vous. Qu’est-ce que vous faites donc ? Ce n’est pas là le bon bout.

« Le recteur laisse tomber le cigare. (à part.) Le diable emporte ! maudite timidité !

« Khlestakof. — À ce que je vois, vous n’êtes pas fumeur. Moi, je l’avoue, c’est là mon faible… et les dames aussi. Et vous ? hein ? qu’aimez-vous le mieux, les brunes ou les blondes ? (Le recteur, stupéfait, ne répond rien). Là, franchement, lesquelles préférez-vous ?

« Le recteur. — Je… je n’ose…