Page:Mérimée - Carmen.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

portes de la ville. À peu de distance de cette porte, il y avait une brèche qui s’était faite dans le mur d’enceinte ; on y travaillait pendant le jour, et la nuit on y mettait un factionnaire pour empêcher les fraudeurs. Pendant le jour, je vis Lillas Pastia passer et repasser autour du corps de garde, et causer avec quelques-uns de mes camarades ; tous le connaissaient, et ses poissons et ses beignets encore mieux. Il s’approcha de moi et me demanda si j’avais des nouvelles de Carmen.

— Non, lui dis-je.

— Eh bien, vous en aurez, compère.

Il ne se trompait pas. La nuit, je fus mis de faction à la brèche. Dès que le brigadier se fut retiré, je vis venir à moi une femme. Le cœur me disait que c’était Carmen. Cependant je criai : Au large ! on ne passe pas !

— Ne faites donc pas le méchant, me dit-elle en se faisant connaître à moi.

— Quoi ! vous voilà, Carmen !

— Oui, mon pays. Parlons peu, parlons bien. Veux-tu gagner un douro ? Il va venir des gens avec des paquets ; laisse-les faire.

— Non, répondis-je. Je dois les empêcher de passer ; c’est la consigne.