Page:Mérimée - Carmen.djvu/88

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— Ah ! oui-dà ! Es-tu mon rom, pour me commander ? Le Borgne le trouve bon, qu’as-tu à y voir ? Ne devrais-tu pas être bien content d’être le seul qui se puisse dire mon minchorrò[1] ?

— Qu’est-ce qu’il dit ? demanda l’Anglais.

— Il dit qu’il a soif et qu’il boirait bien un coup, répondit Carmen. Et elle se renversa sur un canapé en éclatant de rire à sa traduction.

Monsieur, quand cette fille-là riait, il n’y avait pas moyen de parler raison. Tout le monde riait avec elle. Ce grand Anglais se mit à rire aussi, comme un imbécile qu’il était, et ordonna qu’on m’apportât à boire.

Pendant que je buvais : — Vois-tu cette bague qu’il a au doigt ? dit-elle ; si tu veux, je te la donnerai.

Moi je répondis : — Je donnerais un doigt pour tenir ton mylord dans la montagne, chacun un maquila au poing.

— Maquila, qu’est-ce que cela veut dire ? demanda l’Anglais.

— Maquila, dit Carmen riant toujours, c’est une orange. N’est-ce pas un bien drôle de mot pour une orange ? Il dit qu’il voudrait vous faire manger du maquila.

— Oui ? dit l’Anglais. Eh bien ! apporte encore de-

  1. Mon amant, ou plutôt mon caprice.