Page:Mérimée - Carmen.djvu/92

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gole ; je mis le pied dessus, et je lui dis : — On dit que tu sais jouer du couteau comme le meilleur jaque de Malaga, veux-tu t’essayer avec moi ? — Le Dancaïre voulut nous séparer. J’avais donné deux ou trois coups de poing à Garcia. La colère l’avait rendu brave ; il avait tiré son couteau, moi le mien. Nous dîmes tous deux au Dancaïre de nous laisser place libre et franc jeu. Il vit qu’il n’y avait pas moyen de nous arrêter, et il s’écarta. Garcia était déjà ployé en deux comme un chat prêt à s’élancer contre une souris. Il tenait son chapeau de la main gauche pour parer, son couteau en avant. C’est leur garde andalouse. Moi, je me mis à la navarraise, droit en face de lui, le bras gauche levé, la jambe gauche en avant, le couteau le long de la cuisse droite. Je me sentais plus fort qu’un géant. Il se lança sur moi comme un trait ; je tournai sur le pied gauche, et il ne trouva plus rien devant lui ; mais je l’atteignis à la gorge, et le couteau entra si avant, que ma main était sous son menton. Je retournai la lame si fort qu’elle se cassa. C’était fini. La lame sortit de la plaie lancée par un bouillon de sang gros comme le bras. Il tomba sur le nez roide comme un pieu. — Qu’as-tu fait ? me dit le Dancaïre. — Écoute, lui dis-je : nous ne pouvions vivre ensemble. J’aime Carmen, et