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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL


ACTE DEUXIÈME.

Une petite chambre dans une auberge ; un lit, une table, une malle, une bouteille vide, des bottes, une brosse à habits, etc.

Scène première.

OSIP, couché sur le lit de son maître.

Je crève de faim, le diable m’emporte ! Mes boyaux font autant de bruit que si j’avais dans le ventre toutes les trompettes d’un régiment. Est-ce que nous ne mangerons donc notre soûl que lorsque nous serons chez nous ? Qu’allons-nous devenir ? Voilà deux mois qu’il a quitté Piter[1]. Mon farceur a fricassé l’argent sur la route ; maintenant il a l’oreille basse, et il est doux comme miel. Nous avions bien de quoi payer la poste, et de reste. — Non, dans chaque ville, il faut que monsieur se montre. (Contrefaisant son maître.) Osip, monte voir ma chambre. La meilleure. Qu’on me fasse un bon dîner. Je ne puis manger de la drogue. Il me faut de la bonne chère. — Hélas ! aujourd’hui, comme nous nous arrangerions de la fricasse du premier gargotier venu ! Monsieur fait connaissance avec les voyageurs. On joue aux cartes… attrape ! nous voilà tondus. Ah ! cette vie-là m’ennuie. Je soupire après notre village. Dame ! ce n’est pas une vie publique ; mais au moins, on n’a pas à trimer. On a sa petite femme, on ne bouge pas

  1. Abréviation populaire de Saint-Pétersbourg.