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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

chée. (Il se cure les dents avec le doigt.) Faquins ! c’est comme une écorce, impossible d’avaler cela, et cela vous noircit les dents. (Il s’essuie la bouche avec la serviette.) Est-ce qu’il n’y a plus rien ?

Le Garçon.

Rien.

Khlestakof.

Canaille ! drôles ! comment, pas un légume, pas de pâtisserie ! Gredins ! Voilà comme on traite les voyageurs !

(Le garçon et Osip emportent les assiettes.)



Scène VI.

KHLESTAKOF, puis OSIP.
Khlestakof.

Parbleu ! c’est comme si je n’avais rien mangé. Cela n’a fait que me mettre en appétit. Si j’avais quelque chose dans ma poche, j’enverrais chercher un pain d’un sou.

Osip, entrant.

Le gouverneur est ici, qui veut se faire annoncer, et demande après vous.

Khlestakof, effrayé.

Que dis-tu ? Comment ! cette bête de maître d’hôtel a déjà porté sa plainte ! Est-ce qu’il voudrait par hasard me fourrer en prison ? Diable ! Si j’essayais d’une manière noble… non, non, je ne veux pas. Dans cette ville, les officiers et les bourgeois sont toujours à flâner. J’ai voulu leur montrer les belles manières, et j’ai commencé par faire l’œil à la fille d’un marchand… Non, non, cela ne vaut rien… Mais comment oserait-il… Suis-je donc un marchand ou un artisan ? (S’enhardissant et se redressant.) Ah ! je m’en vais lui dire : Avez-vous bien l’audace… (Le bouton de la porte tourne ; Khlestakof pâlit et frémit.)