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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

de ces opinions démagogiques si ridiculement soufflées à son enfance. À dix-huit ans, oubliant ses succès parmi les Amis de la Constitution, il s’amusait à tourner en ridicule les sociétés populaires. À cette époque, en 1799, c’était encore un divertissement dangereux. Il faillit le payer cher. Quelques étudiants s’étant avisés de parodier, sur la place de Granvelle, une séance d’un club républicain, M. Nodier se distingua dans cette parade et fut un des orateurs les plus applaudis. La municipalité s’en émut ; les baïonnettes vinrent à son aide. On arrêta les mauvais plaisants ; mais le plus coupable parvint à s’échapper et à trouver un asile chez M. de Chantrans. Le procès fut sérieux. D’une turlupinade on fit un complot royaliste, et pour peine on demandait la mort de dix enfants. Le jury se partagea. Une seule voix, le suffrage de Minerve, acquitta les jeunes étourdis. M. Nodier, qui s’était hâté de réclamer sa part dans le crime de ses amis, plaida lui-même sa cause, et son discours, qui s’est conservé, se recommande autant par le bon sens que par l’habileté de la défense. On voit qu’il comprime avec prudence une ironie mordante, craignant de trop faire rire aux dépens de ses juges, déjà mal disposés pour les gens d’esprit.