Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/187

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RITA : Ah ! je vous en réponds ! Puisque le médecin m'a dit lui-même : Rita, prenez bien gardede toucher à cette bouteille-là; deux ou trois cuillerées dans une carafe d'eau suffiraient pour fairemourir toutes ces demoiselles en moins d'un quart d'heure. Cela vous prend à la gorge, on étouffed'abord, et crac ! c'est fini.
DONAMARIA, indiquant du doigt une fiole de la pharmacie : N'est-ce pas cette bouteille-là?
RITA : Non, mademoiselle : c'est ce petit flacon sur la planche d'en haut. C'est gros comme rien,et il y a là-dedans de quoi empoisonner plus de mille personnes.
DONAMARIA : Celui-là qui contient quelque chose de blanc ?...
RITA : Celui-là même.
DONAMARIA : Bon.
RITA : Bon ? dites bien plutôt mauvais. Que le grand diable torde le cou au païen qui a imaginéd'aussi vilaines drogues ! Moi, c'est mon étonnement que chez les apothicaires, où il ne devrait yavoir que des remèdes pour guérir, on trouve des drogues comme celles-là, qui vous expédient unhomme avant qu'il ait eu le temps de dire un in manus.
DONAMARIA, gravement : II y a de certaines maladies où de telles drogues sont utiles.
RITA : Le bon Dieu et saint Jacques nous préservent de ces maladies-là ! Mais je crois que celan'est bon que pour les enragés que l'on fait mourir ainsi pour qu'ils ne mordent pas les autres.
DONAMARIA, à part et rêvant : Seulement un instant de souffrance !
Rita sort de la pharmacie ; elle ferme la porte, et laisse la fenêtre ouverte.
RITA : À la place de madame la supérieure, je ferais jeter dans quelque trou ce vilain flacon; car,plutôt que d'être utile, cela peut faire bien du mal.
DONAMARIA : Comment?
RITA : Oui...Quelqu'un, par exemple, qui aurait envie de se débarrasser de quelqu'un... Ou bien,une supposition, une mauvaise tête qui voudrait se détruire, comme il y en a...