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MONSIEUR AUGUSTE

— Les grands classiques.

— Ce sont mes dieux !

— Pas un roman.

— Le roman est le poison du cœur.

— Oh ! digne jeune homme ! laissez-moi vous serrer encore les mains ! Heureux l’hyménée qui…

— À demain, cher monsieur Lebreton. Je vous souhaite une excellente nuit.

Tout entier à son admiration, M. Lebreton ne s’était pas aperçu que ses invités avaient disparu en sourdine, en usant de la liberté de la campagne. Sa fille même, déjà maîtresse de maison, était montée dans son appartement, où elle se laissait déshabiller par Mlle Rose, sa femme de chambre, une vraie soubrette de comédie, qui accompagnait de phrases malignes le petit travail de ses mains.

— Voilà un corsage tout à fait perdu, disait-elle en examinant cette pièce de toilette qu’elle tenait à deux mains, c’est dommage, car la robe est bien jolie… Il y a là, regardez, mademoiselle… il y a là, marque de quatre ongles de feu… on dirait que vous avez dansé avec le diable, et qu’il vous a laissé l’empreinte de sa griffe sur le dos…

— Taisez-vous donc, Rose, dit Louise en frissonnant, ne parlez pas ainsi à cette heure… minuit sonne au chemin de fer.