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MONSIEUR AUGUSTE

foule, où manque la femme ; dans ce vide, où règne le néant ; dans cette vie fausse, pire que la mort ! non ; un charme divin me retient ici, et je reste. Le bonheur, ce trésor introuvable, je le vois luire dans ces ténèbres, et je ne veux pas m’en éloigner. Une seule fois, on trouve ce que le cœur cherche ; il ne faut pas attendre la seconde qui ne vient jamais.

— Ah monsieur, dit Agnès avec l’ingénuité attachée à son nom : une femme serait heureuse si elle pouvait croire à la sincérité des paroles qui charment son oreille ! si elle pouvait croire que le charme de l’esprit a une source secrète au fond du cœur !

— Mais, mademoiselle, dit le docteur avec ce feu que donne le désir et qui ressemble trop à la flamme sainte de l’amour ; mais, je vous le jure, c’est mon cœur qui parle en ce moment, et qui, par malheur, ne peut avoir d’autre organe que ma bouche ! C’est tout ce que mon âme a de plus pur qui s’exhale vers vous, comme l’encens vers la divinité ! Vous aussi, Agnès, vous êtes l’idéal de mes rêves : vous êtes l’ange de mes visions. Un regard de vous me mettrait sur le trône du monde, un sourire de vos lèvres me ravirait au ciel. Laissez-moi vous dire « je vous aime, » sans me repousser comme profane, et je me croirai digne d’être aimé un jour.