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MONSIEUR AUGUSTE

croyant sur le seuil du lieu saint, et ses bons instincts moraux se réveillant, il recula devant un sacrilège ; mais la fièvre de l’amour arriva au délire, et tout ce qui était honnête en lui s’évanouit. Le corps triompha de l’âme. Toutefois, ses mains osaient d’abord à peine effleurer tant de charmantes futilités éparses autour de lui, dans leur désordre de la nuit dernière : la jolie robe de la veille ; le corset encore humide du bal ; le bouquet fané par le lustre ; la gaze arrondie et dévastée par la valse ; les petits souliers d’enfant, au satin terni ; le mouchoir de batiste, orné de l’initiale chérie ; enfin, le lit virginal, où le marbre de la Vénus de Naples semblait avoir laissé son adorable empreinte, en s’incrustant sur l’édredon ; et alors une folie, arrivée au paroxysme, poussa des lèvres coupables à la profanation générale de ce temple de la pudeur. Le seul témoin qui vit passer cet ouragan d’amour, Auguste restait immobile, et avait oublié son devoir de surveillance ; il ne comprenait rien à la furie de ses caresses dévorantes, et il paraissait en souffrir, comme s’il eût aimé la jeune idole de ce temple ; comme si cette scène inouïe lui eût enfin révélé un formidable rival avec lequel il devait lutter dans une intrigue d’amour.

Une voix se fit entendre, dans la cage sonore de