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DISCOURS SUR LA NÉCESSITE D’ÉTUDIER LA RELIGION CHRÉTIENNE.

I.
La Religion Chrétienne est un saint commerce entre Dieu & l’homme, dont Jésus-Christ même est le lien, dont la sanctification de l’homme est le fruit, & dont la vie éternelle est la fin. Il n'est donc rien qui touche de plus près un Chrétien que la Religion dont il fait profession, de quelque manière qu’on la considère, soit dans les vérités & les mystères qu’elle enseigne, soit dans les biens qu’elle promet, soit dans les devoirs qu’elle prescrit. Dans toutes les autres Religions, ceux qui parlent & qui instruisent sont des hommes environnés de ténèbres, qui trompent les autres, ou par erreur, ou par malice. Dans le Christianisme, c’est Dieu même, la lumière & la vérité éternelle, qui daigne parler aux hommes par son Fils unique, se faire connoître à eux, & leur apprendre ce qu’il demande d’eux, pour les rendre heureux par la possession du souverain bien, qui n’est autre que lui-même.

Comment donc se peut-il faire que parmi ceux qui portent le nom de Chrétiens, il y en ait si peu qui travaillent sérieusement à s’instruire de leur Religion ; si peu qui donnent à cette étude la préférence qui lui est dûe sur toutes les autres, & qui la mettent au nombre de leurs plus essentielles obligations ?

Une négligence si étonnante vient de ce que nous n’estimons pas assez le bonheur que nous avons d’être Chrétiens, ni la grâce que Dieu nous a faite de nous appeller à la connoissance & à la pratique de la vérité. De-là le peu de zèle de plusieurs Pasteurs pour l’instruction des fidelles, & le peu de goût d’un grand nombre des Chrétiens pour les vérités du salut. Ainsi, les uns n’ayant tout au plus qu’un foible désir d’apprendre, & les autres négligeant démettre en œuvre les moyens d’animer ce désir, & d’exciter l’émulation, il arrive que la plupart des Chrétiens passent toute leur vie dans l’ignorance de ce qu’il y a de plus nécessaire à savoir. On est cependant fort en repos là-dessus : & comme nous nous aveuglons volontiers nous-mêmes sur les devoirs que nous n’aimons point, on se paie des raisons les plus frivoles, pour se persuader que l’étude de la Religion n’entre pas dans les devoirs du Chrétien.

Cette pensée (nous ne craignons pas de le dire) est très-fausse, & d’une conséquence infinie dans la pratique. Nous proposerons ici quelques-unes des raisons qui la combattent ; mais il est nécessaire avant toutes choses de fixer l’état île la question, & de la réduire à des termes clairs & précis, en écartant les idées peu exactes de plusieurs personnes fur ce qu’on appelle l'étude de la Religion, pour y substituer celle qu’on en doit avoir.

II. Il y a sur cela deux extrémités opposées, qu’on doit éviter également. Les uns donnent trop d’étendue à cette étude, les autres la réduisent à rien ; mais les uns & les autres se réunissent dans la conséquence qu’ils tirent, qui est que l’étude de la Religion ne les regarde pas.

Les premiers confondent cette étude avec celle qui est propre aux Docteurs, & aux Théologiens de profession : & sur ce fondement, les Laïques renvoient l’étude de la Religion aux Ecclésiastiques, & le commun des Ecclésiastiques s’en décharge sur ceux qui veulent prendre, ou qui ont pris le bonnet de Docteur.

Les seconds entendent par l’étude de la Religion celle du catéchisme ; & savoir son catéchisme, selon eux, c’est être en état de répondre qu’il y a un Dieu en trois personnes ; que le Fils de Dieu s’est fait homme, & est mort fur la croix pour nous racheter, & nous mériter la vie éternelle : c’est savoir le symbole des Apôtres, l’Oraison Dominicale, les Commandemens de Dieu &de l’Eglise, & les définitions des Sacrements. Voilà à peu près les connoissances qu’ils jugent nécessaires : & comme ils les ont, ou qu’ils se flattent de les avoir, ils ne voient plus rien à faire, ni rien de nouveau à apprendre pour