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D’ÉTUDIER LA RELIGION.

Ce que M. Fleury dit en un mot, qu’on n’y trouve l’Écriture Sainte qu’en Latin, est digne d’attention. A parler simplement & sans détour, l’Écriture Sainte en langue vulgaire, dans les pays d’Inquisition, est un livre défendu, quand même la traduction seroit d’un Auteur Catholique : & cette défense s’étend à toutes les parties de l’Écriture, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament, même aux Sommaires ou Abrégés historiquesIV. Reg. de l’Index. de la Bible, en quelque langue vulgaire qu’ils soient. Les fidèles ne peuvent donc lire, ni avoir chez eux, je ne dirai pas la Bible entière, mais ni le Psautier, ni les Épîtres & Évangiles des Dimanches & des Fêtes de l’année, ni aucun Abrégé de l’Histoire Sainte en leur langue, s’ils n’en ont obtenu une permission par écrit de l’Évêque Diocésain, ou des Inquisiteurs, donnée sur l’avis de leurs Curés, ou de leurs Confesseurs. Il arrive delà qu’aucun des laïques qui n’entendent pas le Latin ne lit l’Écriture, soit en tout, ou en partie : car les hommes communément ne se portent pas d’eux-mêmes à cette lecture, non-plus qu’à toutes celles qui ont rapport au salut éternel ; il faut qu’on les y exhorte, qu’on les presse, qu’on leur en montre l’utilité & la nécessité ; qu’on leur en donne le goût, & qu’on leur en facilite l’intelligence. Si, non content de ne pas les presser, vous leur faites encore peur de l’Évangile, en leur disant que c’est un livre qu’il ne leur appartient pas de lire, à moins qu’ils n’en aient obtenu la permission des Supérieurs, qui est-ce, je vous prie, qui voudra s’exposer à un refus, en la demandant ? Des gens qui n’ont aucune ardeur pour ce saint livre aimeront bien mieux s’en passer, par cette raison décisive pour eux, que, puisqu’on leur en défend l’usage, c’est qu’on sait qu’il leur est ou inutile, ou dangereux.

Ainsi, non-seulement l’ignorance cause de très-grands maux dans ces Églises, mais, ce qu’il y a de plus triste, c’est qu’on y entretient les peuples volontairement, en leur ôtant le moyen d’en sortir par la lecture de la divine parole. On n’est en peine que de les contenir par la crainte dans l’exercice de la Religion Catholique, fans se soucier de les rendre Chrétiens & Catholiques par lumière, par persuasion, par amour : d’où il arrive qu’un grand nombre de personnes ne connoît point de milieu entre une irréligion masquée, & une dévotion fausse & superficielle.

Après avoir exposé les preuves de l’obligation d’étudier sérieusement la Religion, je ne dois pas dissimuler les raisons qu’on allègue pour se dispenser de cette étude. Je m’assure qu u n’y aura personne qui n’en sente la foiblesse, s’il veut bien prêter quelque attention aux réponses que j’y donnerai.

§. II.

Difficultés qu’on oppose à l’obligation d’étudier la Religion.

Première difficulté. La plupart disent qu’ils n’ont pas le temps de s’appliquer à cette étude : les uns sont surchargés d’affaires, qui les tiennent occupés depuis le matin jusqu’au soir ; les autres, comme les artisans & les gens de la campagne, sont attachés à leurs travaux, qui ne leur laissent pas un moment libre. Où veut-on, disent-ils, que nous placions ces lectures & cette étude, auxquelles on prétend que nous sommes obliges : D’ail leurs, combien de gens de l’un & de l’autre sexe, à la ville & à la campagne, qui ne sçavent pas lire ? Combien qui n’ont pas de quoi acheter des livres, quand ils pourraient trouver le temps de lire ?

Réponse. I. A l’égard des pauvres & de ceux qui ne sçavent pas lire, on ne prétend pas les obliger à ce qu’ils ne peuvent faire. C’est aux Évêques, aux Curés, aux Seigneurs, aux gros Décimateurs, à pourvoir aux besoins spirituels & temporels des pauvres ; à faire ensorte qu’il y ait par-tout des maîtres & des maîtresses d’école ; à distribuer le nouveau Testament, & des livres de piété, à ceux qui n’ont pas de quoi en acheter. C’est aux Curés principalement à suppléer par des instructions de vive voix aux secours que leurs Paroissiens ne peuvent tirer de la lecture. Enfin ceux qui ne peuvent ni lire, ni acheter des livres, n’en doivent avoir que plus d’ardeur pour écouter toutes les instruc-