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CHAPITRE VI

au pied de l’éperon rocheux qui porte Nakhitchévan, la plaine de l’Araxe.

Nakhitchévan fut détruite et rebâtie peut-être plus souvent encore qu’Erivan. Shah-Abbas (1586−1628), redoutant les invasions des Turcs, avait pris le parti radical de ruiner complètement tout le pays sur la route d’Erzéroum à Tébriz pour faire le désert devant les armées turques ; quant aux habitants de ces malheureuses régions, il les avait transportés dans les provinces reculées de son empire[1].

Lorsque Chardin passa à Nakhitchévan, en 1672, la ville se relevait de ses ruines[2].

Elle fut longtemps un centre catholique important. Un religieux dominicain, le P. Barthélémy, avait fondé vers l’an 1320 une branche arménienne de l’ordre de saint Dominique[3] ; cette congrégation eut sa période de splendeur, et compta jusqu’à dix monastères autour de Nakhitchévan. Au temps de Chardin, ces religieux avaient déjà eu beaucoup à souffrir de la jalousie des schismatiques et des exactions du gouvernement persan, exactions dont les schismatiques étaient généralement les instigateurs ; ils ne possédaient plus guère que le couvent d’Abréner à cinq lieues de la ville. Tournefort disait de ces Catholiques : « Ce petit troupeau vit saintement ; il est bien instruit, et il n’y a pas de meilleurs Chrétiens dans tout l’Orient »[4].

L’influence des Dominicains subsistait encore, quoique bien diminuée, à la fin du xviiie siècle ; Ferrière-Sauvebœuf

  1. Les Arméniens de Djoulfa avaient été installés par lui dans un faubourg d’Ispahan qui devint la nouvelle Djoulfa. Politique habile, Shah-Abbas avait secondé les entreprises commerciales des Arméniens, et la nouvelle Djoulfa devint pendant quelque temps un des principaux centres commerciaux de l’Orient, pour subir ensuite les exactions des avides successeurs de Shah-Abbas, et ne garder plus que le souvenir de sa courte prospérité.
  2. Chardin, II, 297. En lisant les appréciations un peu sarcastiques de Chardin sur les missionnaires, il ne faut pas oublier qu’il était protestant et écrivait à un moment où l’antagonisme entre Protestants et Catholiques en France était très violent.
  3. Lettres édifiantes, ii, 134.
  4. Tournefort, lettre 20e.