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CHAPITRE XII

pluies effrite ces briques ; peu à peu tout s’écroule ; aussi les ruines de Toprak-Kaleh comme celles de tous les anciens palais de la vallée du Tigre et de l’Euphrate ont-elles formé une butte de terre parfaitement régulière où un œil expérimenté pouvait seul deviner la présence d’un ancien monument. Des fouilles y ont été faites par MM. Chantre et Barry (?) ainsi que par des Anglais ; actuellement les travaux sont suspendus, mais les tranchées d’exploration ne sont pas encore éboulées[1].

Du haut de Toprak-Kaleh, la vue sur Van et le lac est admirable.

Les rochers qui forment le versant oriental de la butte sont fort raides ; à l’angle Sud-Est s’ouvre, creusée dans le roc une galerie en pente taillée en gradins et aboutissant à une grande grotte ; la paroi de cette galerie a parfois à peine un mètre d’épaisseur ; trois fenêtres très endommagées lui donnent du jour. La grotte me semble, elle aussi, taillée de main d’homme[2]. Elle a longtemps servi de repaire aux brigands et jouit encore d’un fort mauvais renom dans le pays.

Nous rentrons juste à temps pour nous rendre au consulat de Perse. La société est déjà réunie dans le diwan. Sur un buffet sont étalés différents hors-d’œuvre, caviar, salade de tomates, harengs, etc. Ces hors-d’œuvre, assaisonnés de copieuses libations d’eau-de-vie, wodky ou arak, composent le zakouski. Le zakouski se prend en Russie avant tous les repas et cette habitude a passé en Perse et en Turquie. Chacun se sert à sa guise. Généralement chez le Consul de Perse ce prélude du dîner est fort long, et l’on ne se met à table qu’après deux ou trois heures

  1. M. Reynolds, de la mission américaine, nous a gracieusement communiqué la photographie de différents objets en bronze trouvés, dit-on, dans les fouilles ; quelques jours plus tard, Hyvernat put acheter un intéressant fragment d’un bouclier en bronze provenant également de Toprak-Kaleh. Elisée Reclus affirme dans sa Géographie que des fouilles ont été faites par M. Chantre. J’ignore à quelle époque ce put être, car dans sa relation de voyage (1881), M. Chantre (Tour du Monde, lviii, 288) dit : « Je n’ai pu faire aucune fouille, faute de temps. »
  2. Texier qui appelle cette grotte la grotte de Zemzem, trouve que « rien n’y décèle le travail des hommes » : je n’ai remarqué ce passage qu’à mon retour d’Orient ; mais il est en désaccord avec mes souvenirs les plus positifs. (Texier, Arménie, ii, 17.)