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BITLIS — SAÏRD — LE BOGHTAN

sources sulfuro-ferrugineuses. On en compte une multitude dans le pays, mais personne ne songe à les utiliser.

Le chemin qui jusqu’à Doukhân restera sur la rive droite du Bitlis-Tchaï se transforme rapidement en sentier de chèvres. À environ une heure et demie de distance de Bitlis, il se heurte à un grand éperon rocheux qui, parti d’assez haut, va plonger jusque dans le lit du torrent. Cet éperon barre entièrement le passage. Ce n’est autre chose qu’un gigantesque dépôt calcaire. La source qui par son travail incessant a élevé cette muraille continue toujours son œuvre et on la voit par endroit suinter doucement à travers la roche. Cet éperon a de six à dix mètres de hauteur et presque la même largeur. Pour frayer un passage au sentier, l’on a, dans des temps sans doute très reculés, percé à travers ces dépôts calcaires une galerie transversale. Sur la rive gauche du torrent, un village kurde, dont les solides constructions de pierre[1] ressemblent à une forteresse, fait face à ce curieux éperon : bâti sur une terrasse aux parois abruptes, il domine de bien haut la gorge et le torrent.

Dans la vallée il n’y a plus trace de neige ; seuls les pics escarpés qui la dominent détachent encore l’éclatante blancheur de leurs sommets sur l’azur du ciel. Les lignes du paysage rappellent étonnamment le Tyrol.

Ce n’est plus le haut plateau d’Arménie avec ses paysages dénudés : ici la vallée est boisée et riante dans sa sauvagerie ; cette végétation est d’ailleurs étrange dans ses formes. Comme la rareté de la population rendrait improductive l’exploitation des bois de charpente, et que d’ailleurs l’absence de chemins opposerait un obstacle presque insurmontable à leur transport, les gens du pays ne recherchent que le bois de chauffage et le charbon qu’ils transportent jusqu’au cœur du haut plateau arménien. Aussi exploitent-ils tous leurs arbres en têtards. Les vieux troncs décapités s’obstinant, depuis des siècles peut-être, à pousser sans

  1. Probablement le village de Parkhand.