Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/449

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
353
DE SAÏRD À DJÉZIREH

 Les corrections sont expliquées en page de discussion

distan n’avait que des ruines. Dans ce silence absolu l’on n’entendait que le roulement du fleuve ; le moindre bruit, une parole, se répercutait puissamment d’une falaise à l’autre. Ce paysage, désert et morne auprès d’un fleuve qui semblerait devoir appeler la vie, est saisissant ; c’est tout à la fois grandiose et triste.

Arrivée 6 h. soir.

Mais quand se fait la nuit, se présente aussi une question pratique des plus graves. Où coucher ? Fenndück est « au diable » et les zabtiés se montrent profondément ignorants du chemin. Nous prenons avec le vieux Hadji-Ali la tête de la caravane et, pataugeant, grimpant, marchant toujours, nous arrivons enfin, sans nous en douter, au misérable petit hameau de Bisina, perché sur un promontoire rocheux. À peine daigne-t-on nous recevoir ; nous sommes au milieu de vrais sauvages ; le chef a l’air le plus froidement cruel, le plus kurde que l’on puisse voir. Tout trempés, nous nous séchons à son foyer pendant que, fumant gravement sa pipe en face de nous, il nous observe d’un air hautain.

Notre bagage n’arrive pas ; une heure s’écoule ; la chose devient inquiétante ; il s’est égaré ou a été dévalisé ! Nous envoyons des hommes du village à sa recherche ; partis de mauvaise grâce, ils reviennent bientôt sans avoir rien trouvé ; ils me paraissent bien peu trempés, et je les soupçonne fort de n’avoir pas poussé leurs recherches au delà des dernières masures du hameau.

Que faire ? Malgré notre inquiétude il faut prendre patience jusqu’au jour et, en attendant, essayer de trouver de la nourriture pour nos bêtes et pour nous. Après mille pourparlers, le chef se décide à donner de l’orge à nos chevaux et à nous servir — je copie ici textuellement mon journal — « un fromage en miettes dans lequel les Kurdes ont l’air de s’être nettoyé les doigts, du pain et une sorte de raisiné qui serait excellent si on pouvait le soupçonner d’avoir été fait proprement ! Pour comble d’infortune, nous n’avons pas de tabac » !

Nous nous étendons les pieds au feu et dormons tant bien