Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/51

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
LA GRANDE CHAÎNE DU CAUCASE

deux vieux forts : les forts de Tchertaly et de Vanselop’pe[1] qui défendaient autrefois le passage. Les tours de défense, « aoûls », se multiplient. Chacun des villages accrochés aux flancs des montagnes en possède au moins une, le plus souvent jusqu’à trois et quatre. Accessibles seulement par une échelle extérieure, ces tours ont été les dernières citadelles de l’indépendance des montagnards. Trop souvent avant la conquête russe, elles servaient de châteaux-forts où les clans rivaux — tout village avait les siens — se fusillaient à plaisir. Ces louables coutumes subsistent encore dans certaines vallées reculées, chez les Souânes par exemple. Aujourd’hui les aoûls de l’Aragva dominant fièrement les masures des hameaux, ne sont plus que les pittoresques témoins des anciennes luttes.


31 Août.

À Mlète commence la grande montée de Goudaoûr ; le paysage devient très grandiose et bientôt l’on a sur la haute vallée de l’Aragva une vue plongeante qui ne le cède à aucune des vues de la Suisse. Une croix plantée par les Russes au point culminant de la route, a donné au col le nom de col de la Croix.

La descente du col à Kazbek est vertigineuse ; nos trois chevaux, attelés de front l’enlèvent au galop, sans mécanique ni reculement, en dépit des affreux tournants. Le paysage est nu et déchiqueté ; pas un arbre ne vient l’animer. Du relais de Kazbek la vue sur cette montagne est, dit-on, fort belle ; malheureusement un épais rideau de nuages masque aujourd’hui tout le massif ; à peine aperçoit-on de temps en temps le monastère de Saméba, perché sur un contrefort presqu’inaccessible du Kazbek ; il est, je crois, abandonné.

Le Kazbek est le point principal de la série de montagnes volcaniques qui coupe le Caucase du Nord-Est au Sud-Ouest ; comme élévation, il n’occupe que le troisième rang parmi les géants du Caucase, bien qu’il s’élève à 5 045 mètres. L’Elbrouz le domine

  1. Buchan Telfer, ibid. I, 273.