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CHAPITRE XXVI

seraient du coup rejetés hors du Kurdistan et auraient peut-être plus de peine à y rentrer qu’il y a cinquante ans.

Les Arabes, défendus par le désert, imposent pratiquement leurs conditions au gouvernement. Pendant ce siècle ils ont plusieurs fois rançonné Baghdad.

Il y a huit ans, Sayhoûd, Scheikh d’une tribu cantonnée entre Amara et Korna, fatigué d’avoir à débourser sans cesse de nouveaux bakschichs au Moutessarif d’Amara sans obtenir ce qu’il demandait, prit un parti radical ; puisque la persuasion ne réussissait point, il emploierait l’intimidation. Il commença d’abord par tirer quelques balles sur le steamer turc. Comme on n’y prêtait aucune attention, il fit mieux ; un beau jour il posta une soixantaine de tireurs en embuscade à un coude du fleuve que les gros bateaux anglais ont toujours peine à tourner ; quand le Khalifah vint à passer, il l’accueillit par une fusillade terrible et commanda l’assaut. Le capitaine grièvement blessé, abandonné de son équipage qui avait perdu la tête, eut assez de sang-froid pour sauter à la roue et mettre son navire hors de l’atteinte des Arabes — aujourd’hui encore le Khalifah garde les traces des balles. Mais l’Angleterre ne fut pas d’aussi bonne composition que la Turquie, et l’affaire parut d’abord devenir mauvaise pour le Scheikh, qui dut se sauver ; la Turquie le fit soigneusement poursuivre ; fit construire quelques fortins sur le territoire de la tribu ; pendant six mois les bateaux furent accompagnés par une canonnière.

Au fond, le Scheikh avait cependant fait un bon calcul ; il avait été condamné par contumace ; l’Angleterre exigeait qu’il lui fût livré ; mais il fallait le trouver et décidément l’entreprise était impossible ! Or, il se tenait caché à une heure d’Amara et recevait même dans sa retraite la visite des fonctionnaires ! On admit donc au bout d’un certain temps que Sayhoûd était introuvable, et on n’en parla plus ; mais le gouvernement avait compris la leçon ; quelques mois plus tard, son fils recevait en cadeau un grand terrain qu’il fait valoir actuellement ; son frère, Ouadi, homme très riche, était nommé Scheikh d’un important