Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/152

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geurs ne franchissaient le degré que sur un navire. Le commandant Lacrosse, du haut de la passerelle, rassembla l’équipage et prononça une courte allocution, en présence d’Isabelle de Kéralio, à laquelle on fit une chaleureuse ovation. Le temps était superbe, le thermomètre marquait 6 degrés. Pas un nuage ne tachait l’azur du ciel et ne projetait une ombre sur la robe céruléenne de l’océan. N’eût été la présence de quelques glaçons errants, on aurait pu se croire dans quelque heureuse région de la zone tempérée. Enfin, pour ajouter à la joie de tous, quatre des malades demeurés à bord avaient pu se lever ce jour-là et prendre part à l’universelle allégresse.

Pour laisser autant que possible une trace de leur passage, les navigateurs jetèrent à la mer un baril vide et soigneusement goudronné dans lequel on avait enfermé la déclaration suivante, écrite sur parchemin :

« Aujourd’hui, samedi 26 juin 189…, le navire l’Étoile Polaire, appartenant à M. de Kéralio, commandant Bernard Lacrosse, lieutenants Hardy, Pol et Bernois, docteurs Servan et Le Sieur, portant à son bord Mlle de Kéralio, Corentine Le Floc’h, sa nourrice, et vingt hommes d’équipage dont six malades, mais sans gravité, après avoir déposé à terre, par 84 degrés de latitude septentrionale et 41 degrés de longitude occidentale, MM. de Kéralio, chef de l’expédition, H. d’Ermont, lieutenant de vaisseau en congé illimité, le docteur Servan, le chimiste Schnecker, le lieutenant Rémois, vingt hommes de l’équipage, parmi lesquels le premier maître Guerbraz, et trente chiens, tous engagés dans une exploration par voie de terre, a franchi heureusement le 85e parallèle, à 11 heures 44 minutes du matin. Ciel clair, soleil superbe, température 7 degrés ; pas de terre en vue. Vive la France ! »