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PHILOSOPHIE DE L’AME

La théorie de la sensation est du plus haut intérêt dans tous les systèmes qui admettent le développement graduel de l’âme ; la sensation est l’acte primordial de l’esprit, car c’est le nom que prend l’âme aussitôt qu’elle se constitue comme énergie représentative, et non plus seulement comme énergie vitale ; nous venons de voir comment la « vertu spirituelle » émerge de la chaleur innée. Cremonini n’avait point à créer de toutes pièces cette théorie que Pomponace avait achevée un siècle avant lui[1] ; il s’est borné à en reprendre avec précision les principaux traits et à en faire comme la clef de voûte de sa psychologie.

Un des points de doctrine les plus importants qu’ait établis Aristote est la passivité et l’activité simultanées des sens extérieurs. La première condition de la sensation est l’impression de l’objet sensible sur le sujet ; mais ce n’est que la moitié de la théorie ; dans l’appréhension même de l’effet produit, le sujet qui a reçu l’impression devient actif à son tour. Au premier moment, deux contraires étaient en présence ; au second, tous deux se sont identifiés dans une même forme. La sensation est définie « l’acte commun du sentant et du sensible ». Le sujet et l’objet peuvent bien subsister indépendamment l’un de l’autre, mais seulement en puissance, au moins quant au fait en question ; le fait lui-même est essentiellement constitué par l’union et la participation des deux termes.

Par cette théorie, qui rappelle d’assez près l’analyse dé-

  1. C’est à M. Louis Ferri qu’on doit la connaissance de la psychologie de Pomponace, sur laquelle il a publié un remarquable travail, d’après un manuscrit inédit de Pomponace qu’il a eu la bonne fortune de découvrir dans la bibliothèque Angelica de Rome. Cet ouvrage est le complément nécessaire du livre de M. Fiorentino que nous avons maintes fois cité ici. C’est un des documents les plus importants que la critique moderne ait apportés à l’étude de la philosophie de la Renaissance. (Voy. la Psicologia di Pietro Pomponazzi, dal prof. Luigi Ferri, Roma, Salviucci, 1876.) Voy. aussi l’article où il a été rendu compte de cette étude dans la Revue philosophique (année 1878).