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L’INCONNU

grise et de chausser ses pieds dans des pantoufles de cuir. Sans prendre la peine de fermer la porte de sa chambre, traînant ses savates sur les marches de l’escalier qui accédait au grenier, il se dirigea vers la chambre de Pointe, à travers des amas de filets en réparation, de vieux prélarts rapiécés, le visage heurtant des linges douteux qui séchaient sur des cordes trop lâches.

Il frappa la porte du poing et des pieds.

― C’est qui ? fit une voix mal réveillée.

― Ouvre, quoi !

― C’est toi, Krühl ?

― Bien entendu, tu croyais peut-être que c’était l’Américaine de Concarneau. Regarde-toi dans une glace avant de te livrer à des suppositions.

La porte s’ouvrit et Krühl, pénétrant dans la petite chambre, eut tout juste le temps d’apercevoir deux jambes aussi charnues que des ceps de vignes, une chemise qui claquait au vent comme un pavillon.

― Tu dormais ? fit-il d’un air innocent.

― Ah… Oh… c’est-à-dire que non… je pensais à… je…

― C’est curieux comme le rhum te rend lucide. Il est huit heures.

― Ah ! bâilla Pointe que cette révélation n’écrasait pas outre mesure.

― Oui, il est huit heures, poursuivit Krühl, et le type est là, en bas, sur la terrasse.