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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

Les Bretons le laissaient dire, sans pour cela partager son animosité. Ils pensaient que peut-être, on avait vu des miracles plus étonnants, la venue du « Parisien » ramènerait la sardine dans leurs eaux.

Depuis quelques années, l’unique préoccupation des hommes de la Côte tendait à rechercher la sardine, tout en ratiocinant sur sa disparition. Avec le fétichisme tranquille du pays, ils espéraient que tout événement qui viendrait troubler le cours normal de leur existence contemplative, encouragerait peut-être la sardine à faire sa réapparition. La déclaration de guerre n’avait pas influencé ce poisson. L’arrivée d’Eliasar pouvait agir avec plus d’efficacité.

D’un autre côté, Joseph Krühl payait à boire. Dans ces conditions la vie gardait encore quelque apparence d’intérêt. Et l’on buvait en compagnie de Krühl, quelquefois très tard dans la nuit. Et l’on dansait dans les salles d’auberges enfumées, sur l’air de « O ! n’eo ket brao paotred » pour reprendre, dégrisé par le froid, chacun sa route, dans la nuit sonore, où les pas résonnaient comme sur les dalles d’une église.