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LE LIVRE DE LA FORTUNE.

tre les sources mêmes de notre petite supercherie littéraire.

Il réunit un volumineux paquet de papiers épars sur la table et, les ayant froissés en boules, les jeta dans la grille de la cheminée.

Il frotta une allumette et mit le feu.

La clarté des flammes illuminait la pièce ; les papiers se recroquevillaient ; des traces d’écriture semblaient défier la flamme. Samuel Eliasar, avec le bout de son pen-bas, dispersa les cendres.

― Bon sang ! ricana-t-il, si quelqu’un m’avait annoncé, il y a quinze jours, que dans trois mois j’irais visiter les îles aimables des Antilles…

De long en large, poursuivant sa pensée, Eliasar arpentait sa chambre.

― C’est la grosse galette, la grosse galette !

Il feuilleta un livre ouvert sur sa table et se remit à marcher. À la grande joie qu’il avait éprouvée en terminant sa tâche, succédait maintenant une sorte d’abattement.

L’esprit critique d’Eliasar agissait et lui montrait le mauvais côté de l’aventure, les risques et les difficultés.

― Si je réussis cette fois, je ne l’aurai pas volé, pensa-t-il, et je mérite de réussir, car, bon Dieu, j’ai eu assez de mouise comme cela. Il fouilla dans la poche de son pantalon, sortit une pièce de quarante sous : « Si c’est face, ça réussira. »

Il lança la pièce qui tourbillonna en l’air, roula