Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

finement dessinées sur une tête de nymphe. Un simple vêtement blanc en batiste, sans enjolivures. Au cou, au lieu de broche, un bouton d’écaille, d’autres identiques aux poignets pour fermer les manches, et pas l’ombre d’un bracelet.

Telle elle était mise, et tel me parut aussi son esprit : des idées claires, des manières simples, une certaine grâce naturelle, l’air d’une dame, et un je ne sais quoi… oui, c’est cela : la bouche, exactement la bouche de sa mère, qui me rappelait l’épisode de 1814, et il me venait alors l’envie de chanter avec la fille la même chanson.

— Maintenant je vais vous montrer le jardin, me dit la mère dès que nous eûmes vidé nos tasses de café.

Nous sortîmes en passant par la véranda, et je m’aperçus alors qu’Eugenia boitait un peu : si peu que je lui demandai si elle s’était fait mal au pied. La mère se tut. La fille me répondit sans hésitation :

— Non, monsieur, je suis boiteuse de naissance.

Je me donnai à tous les diables ; je me traitai de maladroit et de grossier. En effet, le simple fait de la voir boiter aurait dû être suffisant