Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/51

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d’une fois, ou pour y passer une saison, nous conclurons que cette aimable voyageuse doit être la terreur des propriétaires. Dans mon cas, il y eut presque une émeute à la porte de mon cerveau, car l’intruse ne voulait pas sortir, et la propriétaire réclamait à cor et à cris ce qui lui appartenait. La Folie capitula, ne demandant qu’une toute petite place au grenier, pour y fixer sa résidence.

Mais la Raison répliqua :

— Non, madame, je suis lasse de vous souffrir dans mon grenier, et je suis payée pour vous connaître. Ce que vous voulez c’est prendre pied pour envahir progressivement la salle à manger, le salon et le reste de la maison.

— Laissez-moi au moins quelques minutes de répit ; je suis sur la piste d’un mystère.

— Quel mystère ?

— De deux, même, corrigea la Folie : celui de la vie et de la mort. Je ne vous demande que dix minutes.

La Raison se prit à rire.

— Tu seras toujours la même, toujours la même, toujours la même.

Et ce disant, elle la prit par les poignets et la