Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/75

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— Ne pleure pas, mon amour, tu ne voudrais pas que le jour se levât avec deux aurores.

Ceci dit, il l’attira vers lui. Elle résista pour la forme et se laissa faire. Leurs lèvres s’unirent, et j’entendis le bruit d’un léger baiser, du plus timide des baisers.

Le Dr Villaça vient de donner un baiser à Dona Eusebia, m’écriai-je en courant dans le jardin.

Mes paroles furent comme un coup de tonnerre. Chacun demeura stupéfait. On se regardait, on échangeait des sourires, des observations à demi-voix. Les mères entraînaient leurs filles, sous prétexte que la nuit était fraîche.

Mon père me tira les oreilles, en cachette, vraiment même de mon indiscrétion. Mais le lendemain, à l’heure du déjeuner, en rappelant l’aventure, il me donna une petite pichenette sur le nez en disant : « Ah ! polisson, va ! polisson ! »