Page:Machaut - Œuvres, éd. Hœpffner, I.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VI INTRODUCTION


poème étant daté de l’année 1457, on trouve donc encore vivants le souvenir et le renom de Guillaume quatre-vingts ans après sa mort. Pour le moyen âge où les gloires littéraires sombrent si rapidement, c’est une longue survivance.

Mais il ressort clairement des vers donnés dans ce dernier ouvrage comme épitaphe de la tombe de Machaut[1] que, si le nom du poète et le titre de l’un de ses plus célèbres poèmes sont encore connus, ses œuvres ne sont plus lues et que la tradition seule a conservé son souvenir de grand poète et d’amant malheureux. Par contre, dans les œuvres des poètes antérieurs on trouve bien des traces d’une connaissance sérieuse des pièces de notre auteur. Froissart, nous l’avons dit, l’a imité, sans toutefois le nommer. Eustache Deschamps lui doit beaucoup. La preuve la plus sûre en est que, dans l’Art de dictier, les rondeaux donnés comme modèles du genre, sont empruntés à l’œuvre de Machaut. Christine de Pisan reprend dans le Dit de Poissy le débat soulevé tout d’abord par Guillaume dans le Jugement dou Roy de Behaingne tandis que son Livre des vrais amans « présente plus d’une ressemblance avec le Voir Dit de Guillaume[2] » ; mais, non plus que Froissart, elle n’indique

  1. ......... J’eus le renom
    D’estre fort embrasé de penser amoureux
    Pour l’amour d’une Voir, dont pas ne fus heureux
    Ma vie, seulement tant que la peusse voir ». {loc. cit.)


    L’auteur fait évidemment allusion au Voir Dit ; mais en commettant la singulière méprise de prendre l’adjectif Voir pour le nom de la dame du poète, il prouve bien qu’il ne connaissait du poème que le titre.
  2. Annie Reese Puugh, Romania, XXIII (1894), 586.