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INTRODUCTION XV


En effet, quand, en 1324, Guillaume de Trie devient archevêque de Reims, Machaut compose un motet en l’honneur du nouveau dignitaire ; celui-ci était probablement son chef dans l’ordre hiérarchique[1]. Parmi les œuvres de Guillaume, c’est la plus ancienne poésie qu’on puisse dater avec certitude. On peut admettre que ses talents de poète et de musicien, révélés à cette occasion, le signalèrent à l’attention de ses supérieurs et lui valurent leur recommandation auprès du roi de Bohême qui, on le sait, était en rapports suivis avec le royaume de France[2]. Machaut remplissait auprès de Jean de Luxembourg les fonctions d’aumônier et de secrétaire[3]. Comme

  1. Le motel Bone pastor Guillerme (inédit). Le personnage dont il s’agit y est clairement désigné dans les vers suivants ; « O Guillerme, te decenter Ornatum, rex qui potenter Cuncta régit. Sue domus ad decorem Remensium in pastorem Preelegit. » La dissertation sur la mitre et la crosse que le poète a mise à la suite ne laisse pas le moindre doute à cet égard. Or, à l’époque de Machaut, il n’y eut à Reims qu’un seul archevêque du nom de Guillaume, Guillaume de Trie, nommé le 28 mars 1324 et mort le 26 septembre 1334; il ne prit possession du siège épiscopal qu’en juin 1324 (Gallia christiana, IX, 123-4).
  2. En 1322, Jean de Luxembourg, occupé par les affaires d’Allemagne, ne paraît pas avoir été en France. En 1323, il y fut peut-être au commencement de l’année (pèlerinage à Rocamadour, contesté par A. Leroux, Relations politiques de la France avec l’Allemagne de 1292 à 1378 1882, p. 162, note) et sûrement en mai et en juin, à l’occasion du couronnement de la reine Marie, sa sœur (15 mai 1323); en 1324, en février, avec le roi Charles IV à Toulouse, et en mars à Paris, pour les obsèques de la reine (voy. J. Schôtter, Johann Graf von Luxemburg und Kônig von Bôhmen, I, 263 ss.; 283-84; Th. de Puymaigre, Jean l’Aveugle en France, dans la Revue des questions historiques, LU, 400 ss.).
  3. Dans les documents publiés par M. A. Thomas, Machaut est qualifié en 1330 de clericus elemosinarius, en 1332 de notarius, en 1333 de notarius secretarius, en 1335 de secretarius. Dans la Prise d’Alexandrie il déclare lui-même avoir été le clerc (v. 785) ou le secrétaire (v. 789) du roi. Plus de cinquante fois il a distribué de l’argent au nom de son maître (Confort d’ami, v. 2945 ss.).