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LXXII INTRODUCTION


aux coutumes de l’époque, qui servent à donner au récit un caractère vraisemblable et pittoresque. C’est, par exemple, l’écuyer qui doit appeler Guillaume auprès de la dame et qui, pour l’effrayer, s’amuse à lui annoncer qu’il aura à faire un voyage de trois jours, alors que sa maîtresse se trouve à quelques pas de là ; ce sont les assauts de politesse entre Guillaume et la dame, et plus tard entre la dame et le roi de Navarre ; c’est encore la gradation savante avec laquelle la dame fait entendre à Guillaume les reproches qu’il a encourus, le remplissant d’une vague inquiétude ; c’est l’attitude des interlocuteurs qui se parlent à l’oreille ou se coupent brusquement la parole, etc. Tout cela donne à cette fiction le caractère d’une aventure réelle.

La question litigieuse, dans le Jugement dou Roy de Navarre, est débattue avec plus d’ampleur que dans le Jugement dou Roy de Behaingne qui est plus court de moitié. Malgré son étendue, le dit offre, comme le précédent, une unité d’idée et d’action presque complète. Les digressions inutiles et n’ayant pas de rapport avec ce qui est l’objet même du débat sont rares, sans toutefois faire complètement défaut. Ce sont encore à notre avis les descriptions qui ont entraîné le poète au delà des limites permises. Mais il faut se rappeler que le public de l’époque en jugeait autrement et goûtait fort des digressions de ce genre. D’un autre côté, Machaut semble avoir mis un soin tout particulier à préparer et à motiver les événements dont il nous entretient, ayant surtout à cœur de justifier sa défaite finale. C’est ainsi que, presque dès le début, il fait prévoir l’issue du procès qui tournera à son désavantage, en déclarant : « Je ne sui mie si fors… que je ne puisse estre veincus ;… se je ne puis (vaincre), je