Page:Madame de Mornay - Memoires - tome 1.djvu/72

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monseigneur le Prince avoit esté contraint de s’avancer, et n’auroit eu moïen pour sa seureté d’attendre le jour du rendes vous qu’il leur avoit donné ; ainsy monsr de Feuquères patienta quelques sepmaines, et envoya négotier avec M. de Genlis[1] et autres qui avoient trouvé le mesme empêchement que luy ; et tous ensemble envoyèrent vers monsieur le Prince d’Orange[2] pour savoir s’il auroit agréable qu’ilz le joingnissent, ce qu’il eust fort à gré, car ce secours luy vint fort à propos ; et comme il s’enquéroit de Monsr de Malberg des Seigneurs francois qui particulièrement le venoient trouver, il luy parla affectionnément et avec beaucoup d’honneur de feu monsr de Feuquères, qui fut cause que, quand la trouppe fut jointe au dit Seigneur Prince, il le caressa fort et l’employa en toutes occasions de guerre. Monsieur le Prince d’Orange partit du Païs bas avec son armée composée d’Allemans et François, et passa par la Picardie et Champaigne, puis vinrent joindre le duc des Deux-Pontz sur la frontière d’Allemagne. Et en ce temps, Dieu nous donna Susanne de Pas, nostre fille aisnée, et l’unicque de feu Monsieur de Feuquères ; j’acouchay d’elle à Sedan, le 29e Décembre 68, et fut son parrain monsr Doncher, et madamoyselle sa femme fut sa maraine. Monsieur de Feuquères ne me peut voir en tout ce voyage, estant retenu en l’armée pour son estât de mareschal de camp qu’il exercea auprès de monsr le duc des Deux-Pontz, qui

  1. Gentilhomme protestant qui servit longtemps le Prince d’Orange.
  2. Guillaume le Taciturne était alors à la tête de l’insurrection des Provinces Unies contre la tyrannie de Philippe II.