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VIII
PRÉFACE

de Roberval ? Vraiment, la découverte de chaque théorème mathématique, de chaque principe physique, nous apparait comme une œuvre à laquelle tant d’hommes divers ont contribué, qu’en assignant à ce théorème ou à ce principe un inventeur unique et déterminé, nous commettrions de multiples injustices.

Si l’invention scientifique n’est point le jaillissement spontané issu d’un génie isole et autonome, si elle est œuvre collective et, pour ainsi dire, sociale, nous aurons à explorer un domaine singulièrement étendu, toutes les fois que nous voudrons retracer l’histoire d’une découverte. Il ne nous suffira pas, tant s’en faut, de méditer les écrits de celui auquel la voix commune attribue cette découverte. Il nous faudra rechercher, lire, comparer les livres de tous ceux qui, plus ou moins directement, ont été les auxiliaires de cet homme ; des précurseurs, qui ont préparé l’idée nouvelle ; des collaborateurs, qui ont secondé l’inventeur ; des contradicteurs, qui l’ont contraint de préciser, d’éclaircir, d’affermir sa pensée ; des successeurs, qui ont mis en évidence la fécondité latente de cette pensée. Il nous faudra passer en revue ceux dont notre auteur a parlé, ceux avec qui il a parlé, ceux qui ont parlé de lui. La lecture intelligente d’un petit livre comme le Traité de l’équilibre des liqueurs ou le Traité de la pesanteur de la masse de l’air nous obligera à remuer des bibliothèques.

Alors, nous souhaiterons ardemment qu’un guide sûr nous dirige en ce labeur ; qu’il marque pour nous la page où, concise et obscure, se lit une phrase grosse d’une découverte ; qu’il nous dise le volume où se trouve, à l’encontre de cette découverte, une objection jadis redoutable et maintenant brisée ; qu’il nous nomme les bibliothèques où se conservent des pièces essentielles et devenues infiniment rares. Mais ce guide, c’est bien souvent en vain que nous le réclamerons ; pour jouer un tel rôle, il faut posséder, à la fois, une compétence très étendue et une abnégation très laborieuse qui, bien rarement, se trouveront réunies.

Ceux qui désireront, à l’avenir, suivre les démarches par lesquelles le génie de Pascal est parvenu à ses inventions scientifiques, ceux qui voudront retracer les péripéties par lesquelles ces découvertes ont passé jusqu’au jour où elles furent communément reçues, ceux-là ne connaîtront plus semblable anxiété ;