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Page:Maison rustique du XIXe siècle, éd. Bixio, 1845, V.djvu/22

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liv. viii.
ENGRAIS ET AMENDEMENTS.

employé utilement a faible dose. L’économie sur les frais de transport compense et au-delà le prix élevé de ces engrais ; cela est vrai surtout dans les cultures jardinières, où tous les transports se font dans des brouettes ou des hottes, par des ouvriers, le jardin potager étant interdit aux charrettes et aux bêtes de somme.

§ III. — Poudrette.

La poudrette sert encore plus exclusivement que le noir animal à la grande culture ; elle est pourtant susceptible d’être utilisée au même degré pour le jardinage, car si son énergie n’égale pas celle du noir animal, elle coûte beaucoup moins cher. Elle s’applique aux mêmes plantes et active la végétation de toutes les plantes potagères en général. Toutefois, il importe de faire observer que cette substance fertilisante, même quand elle est réduite à l’état le plus inodore, communique une saveur peu agréable aux produits les plus délicats du potager, spécialement aux fraises et aux salades de toute espèce. Employée à la culture de l’oignon, des choux et des légumes-racines, elle n’en a point altéré le goût d’une manière appréciable ; du moins les consommateurs ne s’en sont pas montrés mécontents. Il n’est pas douteux que, dans les localités où le fumier est d’une cherté excessive, le jardinier ne trouve beaucoup de bénéfice à le remplacer par la poudrette pour toutes les cultures à qui cet engrais convient ; mais si les consommateurs en sont instruits, il pourra risquer d’en éloigner un grand nombre, quoique la moitié au moins du pain qui se mange à Paris provienne de blé venu aux dépens de cette même poudrette dont personne cependant n’ignore l’origine.

§ IV. — Fumier d’écurie.

L’engrais obtenu dans les écuries et les étables, par le mélange des déjections des animaux avec les végétaux qu’on leur donne pour litière, est singulièrement modifié par la fermentation qui tend à le convertir en une masse homogène dont il n’est plus possible à la fin de distinguer les éléments. Les divers degrés de fermentation plus ou moins avancée modifient du tout au tout les propriétés de ces engrais et leur effet sur la végétation ; le jardinier, dans ses cultures variées, peut utiliser toutes les espèces d’engrais à tous les degrés possibles de fermentation. On désigne plus spécialement sous le nom de fumier d’écurie celui qui provient des chevaux, et aussi celui de l’âne et du mulet, plus communs que les chevaux dans nos départements du midi ; le fumier des bêtes à cornes est désigné sous le nom de fumier d’étable.

Le fumier d’écurie peut remplacer à lui seul tous les autres ; il est éminemment propre à la construction de toute espèce de couches ; il est le seul convenable pour les couches à champignons. Sa propriété la plus précieuse, celle qui le fait préférer à tout autre par les jardiniers, c’est la facilité avec laquelle on peut arrêter et rétablir pour ainsi dire à volonté sa fermentation en le maintenant sec ou humide. La culture maraîchère, si perfectionnée aux environs de Paris, emploie une grande quantité de ce fumier a l’état de paille brisée, légèrement imprégnée d’urine ; on en fait le triage au moment où on l’enlève ; la partie la plus avancée en décomposition est séparée de la litière ou fumier long. Ce dernier est disposé en tas modérément pressés sur un emplacement sec, aéré et découvert. A moins que les pluies et les fortes chaleurs ne se succèdent longtemps sans interruption, le fumier d’écurie se conserve ainsi plusieurs mois et ne paraît pas subir d’altération sensible. Veut-on le faire entrer en fermentation ? Il suffit pour cela de l’arroser et de le comprimer fortement ; il s’échauffe et fermente presque à l’instant même.

Beaucoup de jardiniers trouvent le fumier d’écurie trop chaud pour les terrains naturellement arides et brillants qui contiennent des substances calcaires en abondance. Ce préjugé ne serait fondé que dans le cas où le fumier d’écurie devrait être constamment employé sous la même forme et dans le même état ; mais rien n’est plus facile au contraire que de le modifier conformément au terrain où il doit être enfoui, en le laissant fermenter plus ou moins. Tout engrais trop chaud finira par devenir à la longue aussi froid que possible, puisque le terme de la fermentation de tous les fumiers quels qu’ils soient les laisse à l’état de terreau, le plus froid de tous les engrais. Ceci ne signifie pas que nous considérons le fumier d’écurie comme le meilleur pour les terrains riches en calcaire, à la fois chauds et arides ; le fumier des bêtes à cornes convient sans doute beaucoup mieux dans un sol de cette nature ; mais si, pour un jardinage établi dans un pareil terrain l’on n’a que du fumier d’écurie à sa disposition, ce jardinage n’en pourra pas moins prospérer à l’aide de ce seul engrais, pourvu qu’on sache le laisser fermenter convenablement, et ne l’employer que dans l’état le mieux approprié à celui de la terre qu’il est appelé à fertiliser.

Un moyen sûr et prompt d’activer la fermentation du fumier d’écurie lorsqu’on est pressé de s’en servir, c’est de défaire les tas après les avoir humectés et comprimés, et de les refaire quand le fumier a pris l’air pendant une heure ou deux. Le fumier est aussi avancé au bout de quelques jours qu’il l’eût été au bout de plus d’un mois sans cette manipulation. Dans un sol naturellement compacte et froid où l’argile domine, le jardinier ne peut employer de meilleur engrais que le fumier d’écurie, en ayant soin de l’enfouir longtemps avant qu’il ait atteint le terme de sa fermentation, et de saisir, pour cela, l’instant où il sera parvenu à son plus grand degré de chaleur.

Le fumier d’écurie est sujet plus que tout autre à s’échauffer en été au point de prendre feu. Lorsqu’on s’en aperçoit à temps, il n’y a d’autre remède que de mouiller largement et