Page:Maistre - Les Soirées de Saint-Pétersbourg, Pélagaud, 1854, I.djvu/35

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l’antique hospitalité, du luxe élégant et des nobles plaisirs. Singulière mélodie ! Emblème éclatant fait pour occuper l’esprit bien plus que l’oreille. Qu’importe à l’œuvre que les instruments sachent ce qu’ils font : vingt ou trente automates agissant ensemble produisent une pensée étrange à chacun d’eux ; le mécanisme aveugle est dans l’individu : le calcul ingénieux, l’imposante harmonie sont dans le tout.

La statue équestre de Pierre Ier s’élève sur le bord de la Néva, à l’une des extrémités de l’immense place d’Isaac. Son visage sévère regarde le fleuve et semble encore animer cette navigation, créée par le génie du fondateur. Tout ce que l’oreille entend, tout ce que l’œil contemple sur ce superbe théâtre n’existe que par une pensée de la tête puissante qui fit sortir d’un marais tant de monuments pompeux. Sur ces rives désolées, d’où la nature semble avoir exilé la vie, Pierre assit sa capitale et se créa des sujets. Son bras terrible est encore étendu sur leur postérité qui se presse autour de l’auguste effigie : on regarde, et l’on ne sait si cette main de bronze protège ou menace.

À mesure que notre chaloupe s’éloignait, le chant des bateliers et le bruit confus de