Page:Malègue - Augustin ou le Maître est là, tome I.djvu/123

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sentiel autour de lui et en lui, simplifié comme une chambre de moine : rien qu’un plancher lavé, une paillasse de maïs, un prie-Dieu sous un Crucifix. Un paysage moral d’une sévérité solitaire, où la vue n’accroche rien.

Une énergique reprise rend à Augustin la possession de ses remparts intérieurs que l’émotion commençait de forcer. Il est, lui, Augustin, surpris en pleine maladie, aux prises avec un appel d’une douceur tragique. Des lassitudes de sa convalescence, il faut qu’il fasse soudain sortir les forces nécessaires à mesurer cet appel et l’ampleur possible de ses exigences.

Des saints, au début de leur vie de saints, ont du premier coup tendu en offrande, comme une corbeille au bout des bras, le détail futur de leur vie. Mais Augustin n’est qu’épouvante.

Qu’est-ce qui s’agite dans cette épouvante ? De bien petites choses en vérité, sans proportion avec l’immense : toute sa carrière terrestre, les grands concours, les réalisations déjà commencées… Elles jouent l’adresse et la prudence, et même le dévouement religieux : « Quand tu auras conquis ces titres, et puis ces autres, et puis encore ceux-là, avec quelle autorité ne parleras-tu pas au nom du Christ ? Comme on t’écoutera ! » Levée en masse des arguments et des défenses pour le bonheur en danger. D’autres motifs aussi, d’une sorte plus chaude : les chastes tendresses, les fiançailles inépuisables, toutes les symphonies de la joie. Aucun nom sur ces préfigurations passionnées, rien qu’une direction obscure où tendent d’essentiels désirs.

Oh ! les terrifiants moments, où Dieu confie véritablement aux hommes, avec la tâche de créer leur vie, une délégation de la Causalité ! Perdue dans son oreiller, la pauvre tête malade souffre, s’angoisse. Augustin reprend le petit volume en incertitude et désespoir. Il tombe sur la ligne : « Seigneur, je vous donne tout. »

C’est un coup de poing en pleine poitrine.

Ainsi, comme dans les consultations par le livre, où les anxieux tirent une solution fortuite de la page qui tombe