Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/183

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court ; ce sont toujours les ouvrages d’hommes tout divins, d’hommes qui ont été l’admiration de leur siècle, et qui ont reçu de Dieu des lumières toutes particulières. Il en est de même de la matière que l’on traite : c’est toujours la plus belle, la plus relevée, celle qu’il est le plus nécessaire de savoir.

Mais afin qu’on ne me croie pas sur ma parole, voici la manière dont un commentateur fameux entre les savants parle de l’auteur qu’il commente. C’est Averroës qui parle d’Aristote. Il dit dans sa préface sur la physique de ce philosophe, qu’il a été l’inventeur de la logique, de la morale et de la métaphysique, et qu’il les a mises dans leur perfection. Complevít, dit-il, quia nullus eorum, qui secuti sunt eum isque ad hoc tempus, quod est mille et quingentorum annorum, quídquam addidit, nec invenies in ejus verbís errorem alicijus quantitatis, et talem esse virtutem in individu uno miraculosum et eœtraneum existit ; et hœc díspositio cum in uno homine reperitur, dignus est esse divinus magis quam humanus. En d’autres endroits il lui donne des louanges bien plus pompeuses et bien plus magnifiques, comme 1 de generatione animalium : Laudemus Deum qui separavit hunc virum ab aliis in perfectione, appropriavitque ei ultímam dignitatem humanam, quam non omnis homo potest in quacumque itate attingere. Le même dit aussi, l. 1, destruct. disp. 3 : Aritotelis doctrina est summa veritas, quoniam ejus intellectus fuit finis humani intellectus ; quare bene dicitur de illo, quod ipse fuit creatus, et datus nobis divina providentia, ut non ígnoremus possibilia sciri.

En vérité, ne fait-il pas êire fou pour parler ainsi ; et ne faut-il pas que l’entêtement de cet auteur soit dégénéré en extravagance et en folie ? La doctrine d’Aristote est la souveraine vérité. Personne ne peut avoir de science qui égale, ni même qui approche de la sienne. C’est lui qui nous est donné de Dieu pour apprendre tout ce qui peut être connu. C’est lui qui rend tous les hommes sages ; et ils sont d’autant plus savants qu’ils entrent mieux dans sa pensée, comme il le dit en un autre endroit. Aristoteles fuit princeps, per quem perficiuntur omnes sapientes qui fuerunt post eum : licet differant inter se íntelligendo verba ejus, et in ei quod sequítur ex eis. Cependant les ouvrages de ce commentateur se sont répandus dans toute l’Europe et même en d’autres pays plus éloignés. Ils ont été traduits d’arabe en hébreu et d’hébreu en latin, et peut être encore en bien d’autres langues, ce qui montre assez l’estime que les savants en ont faite ; de sorte qu’on n’a pu donner d’exemple plus sensible que celui-ci de la préoccupation des personnes d’étude. Car il fait assez voir que non-seulement ils s’entêtent souvent de