Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/236

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tion de notre corps, mais pour sa conservation, pour connaître toutes les choses qui y peuvent être utiles, et pour disposer le corps aux mouvements nécessaires pour les acquérir.

Enfin, l’union que nous avons encore présentement avec tous les hommes ne laisse pas de nous faire beaucoup de mal, quoiqu’elle ne soit pas si étroite, parce qu’elle est moins nécessaire à la conservation de notre corps ; car c’est à cause de cette union que nous vivons d’opinion, que nous estimons et que nous aimons tout ce qu’on aime et ce qu’on estime dans le monde, malgré les remords de notre conscience et les véritables idées que nous avons des choses. Je ne parle pas ici de l’union que nous avons avec l’esprit des autres hommes, car on peut dire que nous en recevons quelque instruction ; je parle seulement de l’union sensible, qui est entre notre imagination et l’air et la manière de ceux qui nous parlent. Voilà comment touœs les pensées que nous avons, par dépendance du corps, sont toutes fausses et d’autant plus dangereuses pour notre âme qu’elles sont plus utiles à notre corps.

Ainsi tâchons de nous délivrer peu à peu des illusions de nos sens, des visions de notre imagination, et de l’impression que l’imagination des autres hommes fait sur notre esprit. Rejetons avec soin toutes les idées confuses que nous avons par la dépendance où nous sommes de notre corps, et n’admettons que les idées claires et évidentes que l’esprit reçoit par l’union qu’il a nécessairement avec le Verbe, ou la sagesse et la vérité éternelle, comme nous expliquerons dans le livre suivant, qui est de l’entendement ou de l’esprit pur.