Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/303

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bre de trois diffère essentiellement du nombre de deux, et qu’il ne peut avoir les mêmes propriétés que lui, qu’ainsi deux corps de différente espèce diffèrent essentiellement, et d’une telle manière qu’ils n’ont jamais les mêmes propriétés qui viennent de l’essence, et d’autres semblables. Cependant si les hommes considéraient les véritables idées des choses avec quelque attention, ils découvriraient bientôt que tous les corps étant étendus, leur nature ou leur essence n’a rien de semblable aux nombres, et qu’elle ne peut consister dans l’indivisible.

Les hommes ne supposent pas seulement l’identité de la ressemblance ou de la proportion dans la nature, dans le nombre et dans les différences essentielles des substances ; ils en supposent dans tout ce qu’ils aperçoivent. Presque tous les hommes jugent que toutes les étoiles fixes sont attachées au ciel comme à une voûte dans une égale distance de la terre. Les astronomes ont prétendu pendant long-temps que les planètes tournaient par des cercles parfaits, et ils en ont inventé un très-grand nombre, comme les concentriques, les excentriques, les épicycles, les déférents et les équants, pour expliquer les phénomènes qui contredisent leur préjugé.

Il est vrai que dans ces derniers siècles les plus habiles ont corrigé l’erreur des anciens, et qu’ils croient que les planètes décrivent certaines ellipses par leur mouvement. Mais s’ils prétendent que ces ellipses soient régulières, comme on est porté à le croire, à cause que l’esprit suppose la régularité où il ne voit pas d’irrégularité, ils tombent dans une erreur d’autant plus difficile à corriger que les observations que l’on peut faire sur le cours des planètes ne peuvent pas être assez exactes ni assez justes pour montrer l’irrégularité de leurs mouvements. Il n’y a que la physique qui puisse corriger cette erreur, car elle est bien moins sensible que celle qui se rencontre dans le système des cercles parfaits.

Mais il est arrivé une chose assez particulière touchant la distance et le mouvement des planètes ; car les astronomes n’y ayant pu trouver de proportion arithmétique ou géométrique, cela répugnant manifestement aux observations, quelques-uns se sont imaginé qu’elles gardaient une sorte de proportion qu’on appelle harmonique dans leurs distances et dans leurs mouvements. De là vient qu’un astronome de ce siècle, dans son[1] Almageste nouveau, commence la section qui a pour titre De systemate mundi harmonico, par ces paroles : Il n’y a point d’astronome, pour peu versé qu’il soit dans ce qui regarde l’astronomie, qui ne reconnaisse une

  1. I. P. Riccioli. vol. 2.