Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/329

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d’évidence dans les choses de la foi par une vaine agitation d’esprit, ou qui ne croient quelquefois sans évidence des opinions fausses touchant les choses de la nature, par une déférence indiscrète et par une basse soumission d’esprit. Si ce sont des personnes de piété et fort soumises à l’autorité de l’Église, leur foi s’étend quelquefois, s’il m’est permis de le dire ainsi, jusqu’à des opinions purement philosophiques ; ils les regardent souvent avec le même respect que les vérités de la religion. Ils condamnent, par un faux zèle, avec une trop grande facilité, ceux qui ne sont pas de leur sentiment. Ils entrent dans des soupçons injurieux contre les personnes qui font de nouvelles découvertes. C’est assez, afin de passer pour libertin dans leur esprit, que de nier qu’il y ait des formes substantielles, que les animaux sentent de la douleur et du plaisir, et d’autres opinions de philosophie qu’ils croient vraies sans raison évidente, seulement à cause qu’ils s’imaginent des liaisons nécessaires entre ces opinions et les vérités de la foi.

Mais si ce sont des personnes trop hardies, leur orgueil les porte in mépriser l’autorité de l’Église, ce n’est qu’avec peine qu’ils s’y soumettent. Ils se plaisent dans des opinions dures et téméraires, ils affectent de passer pour esprits forts, et dans cette vue ils parlent des choses divines sans respect et avec une espèce de fierté. Ils méprisent comme trop crédules ceux qui parlent avec modestie de certains sentiments reçus. Enfin ils sont extrêmement portés à douter de tout et entièrement opposés à ceux qui ont une trop grande facilité à se soumettre à l’autorité des hommes.

Il est manifeste que ces deux extrémités ne valent rien et que les personnes qui ne veulent point d’évidence dans les questions naturelles sont blâmables, aussi bien que les autres qui demandent de l’évidence dans les mystères de la foi. Mais ceux qui se mettent en danger de se tromper dans des questions de philosophie en croyant trop facilement, sont sans doute plus excusables que les autres qui se mettent en danger de tomber dans quelque héresie en doutant témérairement. Car enfin il est moins dangereux de tomber dans une infinite d’erreurs de philosophie, faute de les examiner, que de tomber dans une seule hérésie, faute de se soumettre avec humilité à l’autorité de l’Église.

L’esprit se repose quand il trouve de l’évidence et il s’agite quand il n’en trouve pas, parce que l’évidence est le caractère de la vérité. Ainsi l’erreur des libertins et des hérétiques vient de ce qu’ils doutent que la vérité se rencontre dans les décisions de l’Église, parce qu’ils n’y voient pas d’évidence et qu’ils espèrent que les vérités de la foi se peuvent connaître avec évi-