Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/340

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leur réputation comme un bien dont ils ont besoin pour vivre commodément dans le monde.

Tous les hommes ont donc de l’inclination pour la vertu, la science, les dignités et les richesses, et pour la réputation de posséder ces avantages. Nous allons faire voir par quelques exemples comment ces inclinations peuvent les engager dans l’erreur. Commençons par l’inclination pour la vertu ou pour l’apparence de la vertu.

Les personnes qui travaillent sérieusement à se rendre vertueux n’emploient guère leur esprit ni leur temps que pour connaître la religion, et s’exercer dans de bonnes œuvres. Ils ne veulent savoir, comme saint Paul, que Jésus-Christ crucifié, le remède de la maladie et de la corruption de leur nature. Ils ne souhaitent point d’autre lumière que celle qui leur est nécessaire pour vivre chrétiennement, et pour reconnaître leurs devoirs ; et ensuite ils ne s’appliquent qu’à les remplir avec ferveur et avec exactitude. Ainsi ils ne s’amusent guère à des sciences qui paraissent vaines et stériles pour leur salut.

II. On ne trouve rien à redire à cette conduite, on l’estime infiniment ; on se croirait heureux de la tenir exactement, et on se repent même de ne l’avoir pas assez suivie. Mais ce que l’on ne peut approuver, c’est qu’étant constant qu’il y a des sciences purement humaines, très-certaines et assez utiles, qui détachent l’esprit des choses sensibles, et qui l’accoutument ou le préparent peu à peu à goûter les vérités de l’Évangile ; quelques personnes de piété, sans les avoir examinées, les condamnent trop librement, ou comme inutiles, ou comme incertaines.

Il est vrai que la plupart des sciences sont fort incertaines et fort inutiles. On ne se trompe pas beaucoup de croire qu’elles ne contiennent que des vérités de peu d’usage. il est permis de ne les étudier jamais, et il vaut mieux les mépriser tout à fait que de s’en laisser charmer et éblouir. Néanmoins on peut assurer qu’il est très-nécessaire de savoir quelques vérités de métaphysique. La connaissance de la cause universelle ou de l’existence d’un Dieu est absolument nécessaire, puisque même la certitude de la foi dépend de la connaissance que la raison donne de l’existence d’un Dieu. On doit savoir que c’est sa volonté qui fait et qui règle la nature, que la force ou la puissance des causes naturelles n’est que sa volonté ; en un mot, que toutes choses dépendent de Dieu en toutes manières.

Il est nécessaire aussi de connaître ce que c’est que la vérité, les moyens de la discerner d’avec l’erreur, la distinction qui se trouve