Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/347

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les moucherons et les insectes ; et l’on n’approuve pas trop la peine que quelques personnes se sont donnée pour nous apprendre comment sont faits les poux de chaque espèce d’animal, et les transformations de différents vers en mouches et en papillons. Il est permis de s’amuser à cela quand on n’a rien à faire et pour se divertir ; mais les hommes ne doivent point y employer tout leur temps s’ils ne sont insensibles à leurs misères.

Ils doivent incessamment s’appliquer à la connaissance de Dieu et d’eux-mêmes, travailler sérieusement à se défaire de leurs erreurs et de leurs préjugés, de leurs passions et de leurs inclinations au péché ; rechercher avec ardeur les vérités qui leur sont les plus nécessaires. Car enfin ceux-là sont les plus judicieux qui recherchent avec le plus de soin les vérités les plus solides.

La principale cause qui engage les hommes dans de fausses études, c’est qu’ils ont attaché l’idée de savant à des connaissances vaines et infructueuses, au lieu de ne l’attacher qu’aux sciences solides et nécessaires. Car quand un homme se met en tête de devenir savant, et que l’esprit de polymathie commence à l’agiter, il n’examine guère quelles sont les sciences qui lui sont les plus nécessaires, soit pour se conduire en honnête homme, soit pour perfectionner sa raison ; il regarde seulement ceux qui passent pour savants dans le monde et ce qu’il y a en eux qui les rend considérables. Toutes les sciences les plus solides et les plus nécessaires étant assez communes, elles ne font point admirer ni respecter ceux qui les possèdent ; car on regarde sans attention et sans émotion les choses communes, quelque belles et quelque admirables qu’elles soient en elles-mêmes. Ceux qui veulent devenir savants ne s’arrêtent donc guère aux sciences nécessaires à la conduite de la vie et à la perfection de l’esprit. Ces sciences ne réveillent point en eux cette idée des sciences qu’ils se sont formée, car ce ne sont pas ces sciences qu’ils ont admirées dans les autres et qu’ils souhaitent qu’on admire en eux.

L’Évangile et la morale sont des sciences trop communes et trop ordinaires ; ils souhaitent de savoir la critique de quelques termes qui se rencontrent dans les philosophes anciens ou dans les poëtes grecs. Les langues, et principalement celles qui ne sont point en usage dans leur pays, comme l’arabe et le rabbinage ou quelques autres semblables, leur paraissent dignes de leur application et de leur étude. S’ils lisent l’Écriture sainte, ce n’est pas pour y apprendre la religion et la piété ; les points de chronologie, de géographie, et les difficultés de grammaire, les occupent tout entiers ; ils désirent avec plus d’ardeur la connaissance de ces choses que