Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/525

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principale, de même que l’on a dit qu’aucun corps ne se pouvait remuer soi-même.

Mais lorsqu’on pense à l’idée de Dieu, c’est-à-dire d’un être infiniment parfait et par conséquent tout-puissant, on connait qu’il y a une telle liaison entre sa volonté et le mouvement de tous les corps, qu’il est impossible de concevoir qu’il veuille qu’un corps soit mu et que ce corps ne le soit pas. Nous devons donc dire qu’il n’y a que sa volonté qui puisse remuer les corps, si nous voulons dire les choses comme nous les concevons et non pas comme nous les sentons. La force mouvante des corps n’est donc point dans les corps qui se remuent, puisque cette force mouvante n’est autre chose que la volonté de Dieu. Ainsi, les corps n’ont aucune action ; et lorsqu’une boule qui se remue en rencontre et en meut une autre, elle ne lui communique rien qu’elle ait, car elle n’a pas elle-même la force qu’elle lui communique. Cependant une boule est cause naturelle du mouvement qu’elle communique. Une cause naturelle n’est donc point une cause réelle et véritable, mais seulement une cause occasionnelle et qui détermine l’auteur de la nature à agir de telle et telle manière en telle et telle rencontre.

Il est constant que c’est par le mouvement des corps visibles ou invisibles que toutes choses se produisent, car l’expérience nous apprend que les corps dont les parties ont plus de mouvement sont toujours ceux qui agissent davantage et qui produisent plus de changement dans le monde. Toutes les forces de la nature ne sont donc que la volonté de Dieu toujours elîicace. Dieu a créé le monde parce qu’il l’a voulu : Dixit, et facta sunt ; et il remue toutes choses et produit ainsi tous les effets que nous voyons arriver, parce qu’il a voulu aussi certaines lois selon lesquelles les mouvements se communiquent à la rencontre des corps ; et parce que ces lois sont efficaces, elles agissent, et les corps ne peuvent agir. Il n’y a donc point de forces, de puissances, de causes véritables dans le monde matériel et sensible ; et il n’y faut point admettre de formes, de facultés et de qualités réelles pour produire des effets que les corps ne produisent point et pour partager avec Dieu la force et la puissance qui lui sont essentielles.

Mais non-seulement les corps ne peuvent être causes véritables de quoi que ce soit, les esprits les plus nobles sont dans une semblable impuissance. Ils ne peuvent rien connaître si Dieu ne les éclaire. Ils ne peuvent rien sentir si Dieu ne les modifie. Ils ne sont capables de rien vouloir si Dieu ne les meut vers le bien en général. c’est-à-dire vers lui. Ils peuvent déterminer l’impression que Dieu leur donne pour lui vers d’autres objets que lui, je l’avoue ; mais je ne sais si cela se peut appeler puissance. Si pouvoir pécher est