Page:Malebranche - De la recherche de la vérité.djvu/543

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mètes, qu’ils sont en équilibre avec la matière dans laquelle ils nagent, et que si l’on pouvait jeter assez haut une balle de mousquet ou un boulet de canon, ces deux corps deviendraient de petites planètes, ou bien ils seraient assez solides pour devenir comme de petites comètes qui ne pourraient plus s’arrêter dans le tourbillon.

le ne prétends pas avoir suffisamment expliqué toutes les choses que je viens de dire, ou avoir déduit des principes simples d’étendue, de figure et de mouvement, ce que l’on en doit infailliblement déduire. Je veux seulement faire voir la manière dont M. Descartes s’est pris pour découvrir les choses naturelles, afin que l’on puisse comparer ses idées et sa méthode avec celles des autres philosophes. Je n’ai point eu ici d’autre dessein ; mais je ne crains point d’assurer que si l’on veut cesser d’admirer la vertu de l’aimant, les mouvements réglés du flux et du reflux de la mer, le bruit du tonnerre, la génération des météores ; enfin si l’on veut s’instruire de la physique, comme l’on ne peut mieux faire que de lire et de méditer ses ouvrages, on ne saurait rien faire si on ne suit sa méthode, je veux dire si on ne raisonne comme lui sur des idées claires, en commençant toujours par les plus simples.

Ce n’est pas que cet auteur soit infaillible, et je crois pouvoir démontrer qu’il s’est trompé en plusieurs endroits de ses ouvrages. Mais il est plus avantageux à ceux qui le lisent de croire qu’il s’est trompé, que s'ils étaient persuadés que tout ce qu’il dit fût vrai. Si on le croyait infaillible, on le lirait sans l’examiner, on croirait ce qu’il dit sans le savoir ; on apprendrait ses sentiments comme on apprend des histoires, ce qui ne formerait point l’esprit. Il avertit lui-même qu’en lisant ses ouvrages, on doit prendre garde s’il ne s’est point trompé, et qu’en ne doit rien croire de ce qu’il dit que lorsqu’on y est forcé par l’évidence. Car il ne ressemble pas à ces faux savants qui, usurpant une domination injuste sur les esprits, veulent qu’on les croie sur leur parole, et qui au lieu de rendre les hommes disciples de la vérité intérieure, en ne leur proposant que des idées claires, les soumettent à l’autorité des païens, et, par des raisons qu’ils n’entendent point, leur font recevoir des opinions qu’ils ne peuvent comprendre.

La principale chose que l’on trouve à redire dans la manière dont M. Descartes fait naître le soleil, les étoiles, la terre et tous les corps qui nous environnent, c’est qu’elle parait contraire à ce que l’Êcriture sainte nous apprend de la création du monde ; et que si l’on en croit cet auteur, il semble que l’univers s’est formé comme